lundi 5 août 2013

Lettre ouverte aux Ministres de la Santé, du Travail et du Budget





à        Mme Marisol Touraine, Ministre des Affaires sociales et de la Santé ;
          M. Michel Sapin, Ministre du Travail, de l’Emploi, de la Formation professionnelle et du Dialogue Social ;
          M. Bernard Cazeneuve, Ministre délégué au Budget ;

Condé sur Noireau, le 5 août 2013



Madame et Messieurs les Ministres,


L’usine de fabrication de plaquettes de frein de Condé sur Noireau vient de fermer définitivement ses portes le 30 juin dernier, son propriétaire, la multinationale américaine Honeywell, ayant décidé d’augmenter encore plus des profits gigantesques en délocalisant sa production dans un pays « low cost », en l’occurrence, la Roumanie.

Cette usine, située dans la « vallée de la mort » dans le sud du Calvados, est l’un des emblèmes, si ce n’est l’emblème du scandale de l’amiante en France. Rappelons que l’ensemble des directeurs présents avant 1997, ainsi qu’un ancien médecin du travail, salarié de l’entreprise, sont actuellement mis en examen pour « non-assistance à personne en danger » et « homicides et blessures involontaires » par le pôle de santé publique du TGI de Paris. Les 323 salariés qui viennent d’être jetés dans le monde du chômage et de la précarité ont continué à être exposé à l’amiante jusqu’au 30 juin 2013. En effet, bien que l’amiante soit interdit en France depuis le 1er janvier 1997, ce groupe américain n’a jamais pris aucune véritable mesure afin de dépolluer et décontaminer totalement cette usine, laissant les salariés, que ce soit pour des choix financiers ou par mépris total de leur santé, respirer ces fibres mortelles. Un nombre important d’entre eux sont déjà malade et les autres ont, hélas, une forte probabilité de le devenir dans un futur proche.

Cette situation est totalement inacceptable et le député de la circonscription de Condé sur Noireau, Alain Tourret, a demandé, par le biais d’une question écrite à l’Assemblée Nationale, le 4 septembre 2012, la révision du classement amiante de cette usine en étendant la période prise en compte pour l’ACAATA au 30 juin 2013. Cette demande, légitime, qui n’évitera en rien aux salariés de devenir « malade de l’amiante » mais qui leur permettra de bénéficier d’une retraite en « relative bonne santé » avant d’en subir les conséquences dramatiques est, d’autre part, soutenue par de nombreuses municipalités, mais aussi par le Conseil Régional de Basse Normandie et le Conseil Général du Calvados : un très grand nombre de motions de soutien ont été votés, à l’unanimité, dans ce sens.

Nous avons du mal à qualifier la réponse du 25 décembre 2012 apportée à cette question écrite n° 3727 : est-elle indifférente à la situation des anciens salariés d’Honeywell, voir offensante ou même contraire à la réalité ? Elle évoque, en effet, une étude lors de la séance de la commission AT/MP du mois de décembre 2012, hors, à ce jour et à notre connaissance, c’est-à-dire plus de 8 mois après cette réponse, la révision de l’arrêté amiante du site Honeywell de Condé sur Noireau n’a été à l’ordre du jour d’aucune réunion de la commission AT/MP, ni même de celles du comité de surveillance de l’ACAATA !

Le 15 janvier 2013, les représentants des syndicats présents sur le site ont été reçus, au Ministère du Travail, par 2 membres du cabinet. Lors de cette réunion, un certain nombre de documents, démontrant le bien-fondé de la demande et s’ajoutant à ceux déjà communiqués, ont été remis par les organisations syndicales. A la fin de cette réunion, constructive, il a été convenu de nous informer, rapidement, de la suite apportée à notre demande : Nous attendons toujours cette information !

Que devons-nous penser de l’attitude des 3 ministères respectifs ? Comment doit-on interpréter ce silence de plus de 6 mois ? Est-ce une volonté délibérée d’adopter « la politique de l’autruche » envers un dossier « problématique » en espérant que celui-ci tombe dans l’oubli ? Est-il normal d’être obligé de faire de la provocation afin d’obtenir un semblant de dialogue ?

Nous ne pouvons envisager que le gouvernement refuse de nous répondre ou encore nous donne une réponse négative, sous le couvert de contraintes budgétaires ou encore d’un effet éventuel de jurisprudence : l’ACAATA est financée par les entreprises, via la caisse AT/MP, et ceci en fonction de leurs taux respectifs en accident de travail et maladies professionnelles.

Nous ne pouvons encore moins concevoir que ce gouvernement défende les intérêts d’une multinationale qui a menti à l’état et ses représentants locaux depuis des années et dont la stratégie actuelle semble être une délocalisation globale de l’ensemble de ses activités hors de France.

L’état, à travers son représentant local, le Préfet de Région, reconnait la situation actuelle en imposant, au groupe Honeywell, un désamiantage total du site avant destruction ou réutilisation. Cette reconnaissance doit être également être faite envers l’ensemble des salariés. Nous attendons de vous une véritable justice sociale, c’est-à-dire la prise en compte de ces 15 dernières années dans le calcul de l’éligibilité à l’ACAATA afin que tous les salariés ayant travaillé au sein de cette usine puisse bénéficier, en fonction de leur période d’exposition à l’amiante, d’une véritable retraite.

Nous ne pouvons plus nous contenter de rares belles paroles nous expliquant que l’étude du dossier est en cours. Nous demandons à présent des éléments concrets et factuels étayant ces discours. Nous avons désormais besoin de réelles preuves démontrant votre volonté à réviser le classement amiante de cette ancienne entreprise.

Nous attendons vivement, par conséquent, une réponse de la part de vos 3 ministères respectifs, à nos interrogations exprimés dans cette « lettre ouverte » et, bien entendu, une réponse positive à notre demande, à travers la promulgation d’un nouvel arrêté de classement amiante de l’entreprise. Nous restons, bien évidemment, disponible pour toutes demandes d’informations complémentaires de votre part ou encore pour l’instauration d’un véritable dialogue constructif.

Nous vous prions d’agréer, Madame et Messieurs les Ministres, l’expression de notre très haute considération



Le Collectif des Ex-honeywell Condé


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