lundi 8 avril 2013

Licenciement économique et délocalisation : 3 jurisprudences


Trois jurisprudences, dont une récente, concernant des licenciements qualifiés «sans causes réelles et sérieuse
» ou encore «abusifs» , la raison essentielle étant liée à une délocalisation de la production 

Tout d'abord, qu'est ce que la jurisprudence ?
Il s'agit de l'ensemble des décisions habituellement rendues par les différents tribunaux relativement à un problème juridique donné et qui permettent d'en déduire des principes de droit.
Elle reflète la façon dont les tribunaux interprètent le droit et les lois et elle est, par conséquent, une source importante du droit français et, est une référence pour d'autres jugements.



La première, datant de septembre 2007, concerne une filiale du groupe américain Vishay.

Celle-ci avait procédé à des licenciements économiques entraînant la fermeture d'un site à Tours en janvier 2002. Les lettres de licenciement invoquaient la nécessité de procéder à la réorganisation en vue de sauvegarder la compétitivité de l'entreprise.

Les salariés licenciés ont contesté le motif de ce licenciement et engagé une action prud'homale. Ils ont ainsi rapporté la preuve que leurs licenciements résultaient de la décision de l'entreprise de transférer la production d'une activité (implantée à Tours) dans un autre pays (Israël) en raison d'incitations financières et fiscales attractives.

La Cour de cassation, le 18 septembre 2007 a considéré que dans ce cas « la nécessité de sauvegarder la compétitivité » du secteur d'activité du groupe, invoquée dans les lettres de licenciement, « n'avait jamais existé ».

La délocalisation de l'activité à l'étranger, selon elle, obéissait à des facteurs étrangers (incitations financières et fiscales attractives) à ceux prévus par l'article L. 321-1 du code du travail qui énonce les critères pour justifier le licenciement économique: l'existence de difficultés économiques, les mutations technologiques ou la réorganisation pour sauvegarder la compétitivité.

En d'autres termes, la Cour de cassation n'a pas validé ces licenciements économiques, les considérant ainsi comme « sans cause réelle et sérieuse », et ouvrant droit au salarié à des dommages-intérêts. 


Le jugement de la Cour de Cassation


La deuxième, datant de février 2009, concerne le groupe ARENA.


En 2006, ce groupe a décidé la fermeture de l’usine de production de Libourne qui occupait un peu plus de 160 personnes. Il a invoqué l’obligation, pour sauvegarder sa compétitivité, de restructurer ses activités, du fait de la nette diminution de ses ventes entre 2000 et 2006.

Les plans de réorganisation et des conséquences en matière sociale (PSE) ont été définitivement arrêtés les 25 janvier 2007 et 20 février 2007.

Cette restructuration s’est traduite par une délocalisation de la fabrication des maillots de bain en Chine et la chambre sociale d’appel de Bordeaux a confirmé en deuxième instance, le 24 février 2009, la condamnation d’Arena pour «licenciement économique abusif». Les 92 ex-salariées qui ont porté l’affaire en justice ont touchée, chacune entre 15 000 et 59 000 euros, en fonction de leur situation particulière, de leur âge et de leur ancienneté.

Le jugement de la Cour d'Appel de Bordeaux


La troisième, très récente car datant de mars 2013, concerne l’entreprise Aubade (groupe Calida) 

La chambre sociale de la cour d'appel de Poitiers, a accordé, le 20 mars 2013, aux salariés d'Aubade Saint-Savin des dommages et intérêts allant de 13.000 à 55.000 euros, en fonction de l'ancienneté.

Sur 101 licenciés fin 2009, 66 salariés avaient saisi les prud'hommes, estimant qu'il n'y avait "aucun motif économique" aux suppressions d'emploi, estimant que les difficultés financières invoquées à l'époque par Calida (sous-vêtements, pyjamas, maillots de bain) n'étaient pas justifiées, que le groupe suisse avait à l'époque les moyens de soutenir sa filiale, et que les suppressions d'emploi répondaient à une logique financière et stratégique.

Le tribunal des Prud’hommes avait débouté ces 66 salariées début 2012, mais celles-ci ont fait appel du jugement.

La Cour d’appel de Poitiers a considéré, dans son jugement du 20 mars, qu’ « en l’absence de preuve des difficultés économiques du groupe Calida, le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse » et a retenu trois arguments des cinq évoqués précédemment par la Cour d'Appel Administrative de Bordeaux :

  • l’activité sous-vêtements féminins n’est pas la seule du groupe qui avait racheté la société pour « dépoussiérer son image classique » et annonçait vouloir renforcer la délocalisation de la fabrication ;
  • le groupe Calida est en bonne santé financière ;
  • le groupe n’a pas rempli ses obligations de reclassement des salariés 
L’avocat des salariées, Maître Giroire Revalier, considère « que cette décision en faveur des salariée d’Aubade est clairement une évolution contre les délocalisations et qu’il démontre que le droit d’alerte peut être utilisé comme une arme par les représentants du personnel ».

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